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La vraie valeur de l’économie collaborative: tranche de vie

Par | 15 avril 2020 | Chronique

Et si la situation que nous vivons menait à des innovations sans précédent, à un écrémage qui ne laisserait la place qu’aux vraies bonnes idées, à ceux et celles qui les portent et à leurs effets véritables ?


Par Matthieu Salou, Associé, directeur marketing et développement des affaires, Novae


Et si la situation que nous vivions menait à des innovations sans précédent, des vraies ? Je ne parle pas de tendances marketing qui vont au gré des gourous autoproclamés et thématiques à la mode; pas celles des licornes et de la spéculation fantasmée par certains milieux financiers apathiques; pas celles des cocktails à la mode à chaque début de printemps subtilement manoeuvrés par des publicitaires surfant sur l’euphorie de la belle saison et des terrasses fleurissantes; non je parle d’un vrai écrémage dans la nouveauté, de ceux qui ne laissent la place qu’aux vraies bonnes idées, à ceux et celles qui les portent et à leurs effets véritables.

Plusieurs cas de figure sont apparus dans la situation que nous vivons tous. Il y a les mesures «de guerre», comme la conversion de certaines industries vers la production de première nécessité, des initiatives spontanées pour certains, fortement suggérées par les pouvoirs publics pour d’autres (ex: TristanCascadesBauerDecathlonTesla, GM). Il y a aussi des initiatives citoyennes, comme celles consistant à imprimer en 3D en quantité astronomique des modèles open source de masques de protection pour le personnel médical (ex : Panthera), les tutoriels pour produire des masques maisons proposés par des artisans locaux, des entreprises ayant la capacité de les produire, bref une chaine de solidarité véritable, spontanée.


«Et si le cynisme et son cortège de pragmatiques
taciturnes étaient finalement confondus
par la réalité que nous vivons ?»


Et si du coté du consommateur, dans un élan de solidarité, la proximité géographique de nos commerçants et de nos artisans devenait l’unique raison de leur choix dans nos achats? Si les instances publiques facilitaient le tout avec des services de livraisons (comme le propose la Ville de Montréal avec son service de livraison urbaine offert au commerçants): des livraisons rapides, non polluantes et s’inscrivant dans les mêmes tarifs que les gros joueurs étrangers omniprésents sur le marché québécois? Si cette chaine de solidarité dépassait la période de crise et que nous réinventions une partie de notre économie?

À titre personnel j’ai été frappé tout particulièrement par ce dernier aspect de la crise: ce lien aux artisans locaux et je me permets modestement de poser ici quelques constats en plus de vous partager mon expérience. Pour la mise en contexte, nous avons décidé comme famille de faire des travaux importants dans l’appartement que nous habitons depuis plus de 10 ans en fin d’année 2019. Ajouter une chambre, rester dans notre quartier, penser long terme et pas «flip immobilier», faire affaire avec des entreprises locales, améliorer le bâti, choisir des matériaux éco-responsables, isoler les cloisons pour un meilleur bilan énergétique – bref, prôner dans la construction ce dont nous parlons chaque jour sur Novae.

Les travaux avancent comme nous le souhaitons, nous nous targuons même d’une expérience de travaux assez fluide (je relativise ici vous comprendrez). Sauf qu’au mois de mars, les délais commencent à s’étirer en parallèle de restrictions à venir sur certaines industries, et finalement nous apprenons comme tous le 23 mars que les entreprises offrant des services non essentiels seront fermées…jusqu’au 13 avril…puis jusqu’au 4 mai (mise à jour, les industries de la construction devraient pouvoir reprendre le 20 avril).


«Et si du coté du consommateur, dans un élan de solidarité,
la proximité géographique de nos commerçants et de nos artisans
devenait l’unique raison de leur choix dans nos achats ?»


Nous nous retrouvons donc une famille de quatre dans un appartement de transition sans aucun contrôle sur les prochaines étapes qui nous permettront d’aménager une fois les travaux finis. Nous avons essayé de trouver des solutions avec Bipède, l’entreprise de design qui coordonne le projet: pas de plancher, l’entreprise Préverco de Québec stoppe sa production, pas d’huisseries, de portes, de plinthes, la menuiserie des Pins à Longueuil suspend ses activités. Pas de cuisine non plus, l’entreprise À Hauteur d’Homme, à quelques centaines de mètres de l’appartement, met ses projets sur pause. Nous avons une belle verrière stockée chez Projet Acier Montréal qui ne peut être montée, des poignées achetées à deux coins de rue chez Par Le Trou de la Serrure sans portes… Bref, de l’achat local, des contacts locaux, des interlocuteurs humains qui compatissent, vivent eux-aussi des situations difficiles. Nous nous retrouvons donc avec une construction terminée à 80% sans possibilité d’aménager.

Le positif que je ressors de cette aventure (toujours en cours, suite au prochain épisode), c’est l’avantage d’avoir un lien direct avec ces fournisseurs, la sensation que nous, Julien, Pierre, Christian, Adeline, Louis-Philippe, Benoit, Raphael, Laurie, traverserons ensemble cette situation, que les entreprises en question – et de façon élargie une partie de l’économie québécoise qui devra se réinventer post COVID-19 – constituent une industrie avec laquelle nous avons un vrai lien. Pas juste un prix, pas juste une pâle copie de ce que l’artisan a dû créer avec son jus de cerveau: un lien de confiance, une proximité avec celles et ceux qui vivent dans le même écosystème que nous. Ces entrepreneurs qui font leur épicerie dans les même commerces que nous, qui jouent (lorsque c’est permis) dans les mêmes parcs que nous contribuent socialement, culturellement, intellectuellement et fiscalement à ce modèle que nous devons privilégier, à cette société positive et engagée à laquelle il faut croire plus encore que jamais.

Je prends souvent cette image qui pourra paraître abstraite pour celles et ceux n’ayant pas connu autre chose que les écrans plats: vous souvenez-vous du bouton reset sur les écrans d’ordinateurs il y a déjà quelques années? Il permettait de recalibrer l’écran et de supprimer les éventuels défauts d’affichage, tremblements de l’image, etc. C’est une bonne métaphore de ce que nous sommes en train de vivre. L’impression que notre course en avant a pris une pause, ce ralentissement imposé nous aura permis de faire le point sur les vraies bonnes solutions, les comportements sociaux, économiques à adopter avec comme effet de repartir sur une base saine pour une meilleure lecture.


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