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Écoscéno: Transformer l’industrie culturelle

Par La Rédaction | 6 juin 2022 | Organisme

L’organisme aide théâtres et musées à repenser la création de leurs décors afin de réduire leur empreinte environnementale, mais aussi pour renforcer leurs retombées sur la communauté.

L’organisme Écoscéno est né d’un constat qu’ont fait quatre professionnelles du milieu culturel. «Dans notre vie quotidienne, nous posions plein de gestes pour réduire notre empreinte environnementale, mais l’empreinte de notre vie professionnelle annulait finalement tous ces gestes», dit Anne-Catherine Lebeau, directrice générale de l’organisme qu’elle a fondé en 2019 avec Jasmine Catudal, Geneviève Levasseur et Isabelle Brodeur.

De fait, dépendamment de la taille de l’événement, jusqu’à 4 tonnes de matériaux peuvent aboutir dans les sites d’enfouissement à l’issue d’une production artistique qui aura duré environ deux mois, estime Anne-Catherine Lebeau. «En publicité, un décor peut être monté un après-midi et jeté le lendemain après le tournage.» S’il n’y a pas de données officielles sur ces quantités de matériaux gaspillés, le ressenti dans l’industrie ne laissait toutefois pas de place au doute. «Cela faisait au moins dix ans que l’on constatait un malaise croissant chez les professionnels qui avaient conscience du non sens de ces pratiques, mais qui ne voyaient pas comment faire autrement.»

Ce qui a conduit à la création d’Écoscéno. Mission: aider le milieu culturel à se doter de nouvelles pratiques éco-responsables, notamment en ce qui concerne la gestion des décors de théâtre ou d’expositions. L’organisme a notamment bâti un programme de formation et d’accompagnement en écoconception en vue d’aider les équipes de production à atteindre l’utilisation de 50% de matériaux issus du réemploi et la planification d’une seconde vie pour 65% des éléments scéniques. Pour concevoir ce programme, qui reçu un Prix Novae 2022 le mois dernier, l’organisme s’est inspiré de ce qui se faisait ailleurs dans le monde, incluant le Festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence, qui a produit un guide méthodologique en vue de créer des décors d’opéra à faible empreinte écologique, ou encore les concepts de design circulaire portés par la Fondation Ellen MacArthur, au Royaume-Uni.

En 2021, Écoscéno a ainsi dispensé 13 formations et fait 15 accompagnements en écoconception en collaboration avec l’Association des professionnels des arts de la scène du Québec, les Conseils de la culture de l’Estrie et de la Capitale-Nationale, la Société des musées du Québec et le Conseil québécois du théâtre. Ce sont plus de 280 professionnels du milieu culturel – scénographes, metteurs en scène, producteurs… – qui ont ainsi été formés. «Lorsqu’ils sortent de la formation, les participants ne se sentent plus impuissants face à cette situation. Ils ont les clés, ils savent où ils peuvent agir. C’est très gratifiant.» La relève n’est pas en reste puisque Écoscéno collabore avec l’École nationale de théâtre et avec l’Université Concordia.

Les formations d’Écoscéno seront proposées dès cet automne aux participants provenant d’ailleurs au Canada.

L’une des stratégies d’écoconception présentées consiste à créer un décor, certes en fonction du spectacle, mais aussi en fonction des besoins de la communauté. L’objectif étant de s’assurer que les matériaux choisis trouveront une utilité après les représentations. Par exemple, pour la pièce Pétrole, présentée récemment chez Duceppe, le décor comportait un immense bassin. «L’écoconception de ce bassin a fait en sorte que toutes les toiles géotextiles utilisées ont ensuite trouvé une seconde vie auprès de l’organisme Bâtiment 7.»

D’ailleurs, ces approches d’écoconception, qui visent d’abord à réduire la quantité de matière et donc de déchets, tendent aussi de plus en plus vers l’atteinte d’impacts positifs. C’est ce qu’on appelle le design régénératif. Anne-Catherine Lebeau cite l’exemple d’un spectacle au programme du prochain festival Montréal complètement cirque, en juillet, et pour lequel le décor demande l’achat d’arbres. «On a dores et déjà tissé des liens avec la Société de verdissement du Montréal métropolitain (Soverdi) et des organismes du quartier, dans l’arrondissement du Sud-Ouest, afin d’identifier des zones, comme des cours d’écoles par exemple, où il sera particulièrement pertinent de replanter ces arbres après le spectacle. L’idée est vraiment de ne pas simplement réduire les impacts environnementaux négatifs d’une production artistique, mais bien d’amplifier les impacts positifs de la culture, partout où elle se manifeste.»

Ces formations consacrées aux arts de la scène et à la muséologie seront d’ailleurs proposées dès cet automne aux participants provenant d’ailleurs au Canada, et de nouvelles formations seront également développées pour les industries du cinéma et de la télévision. «De nombreux organismes pan-canadiens et internationaux se sont regroupés en réseaux pendant la pandémie avec la volonté d’allier culture et transition écologique. Nous faisons partie d’un vaste mouvement. Les changements d’habitudes ne s’opèrent pas seulement parce qu’on connait de nouvelles théories mais par des expériences sensibles. La culture a assurément un rôle important à jouer dans la transition écologique.»

Photos: Eric Bates


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