La première maison "passive" du Québec
Par Marie Allimann | 19 février 2018 |
Architecture
La maison Ozalée est la première propriété certifiée Passivhaus, affichant ainsi une réduction de 90% de la consommation d’énergie.
La norme Passivhaus, créée en Allemagne en 1991, vise à réduire la consommation d’énergie et les gaz à effet de serre (GES) des bâtiments. «C’est une norme exigeante: elle requiert une réduction de 90 % de la consommation d’énergie en chauffage», souligne Lucie Langlois, architecte qui a assuré les rénovations de la maison Ozalée, première maison certifiée Passivhaus au Québec. Sa particularité est de chercher l’amélioration de l’efficacité énergétique du bâtiment lui-même plutôt que d’ajouter des systèmes actifs comme des panneaux solaires. Le concept Passivhaus est reconnu dans la certification Leed qui diffère toutefois en ce que cette dernière aborde tous les aspects écologiques du bâtiment, comme la gestion de l’eau ou les GES produits par les matériaux. De par leur complémentarité, l’utilisation des deux certifications est un choix intéressant, à l’instar de la maison Ozalée.
La maison Ozalée est un bungalow montréalais des années 50. Elle dispose, côté cour, d’un espace ouvert orienté au sud, propice aux gains solaires passifs (réchauffement par le soleil de l’intérieur d’un bâtiment). Un isolant emballe l’édifice par l’extérieur, de la fondation à la charpente, dans le but de couper les ponts thermiques (pertes de chaleur aux endroits où l’isolant du mur est interrompu pour, par exemple, faire passer une poutre allant vers l’extérieur ou faire le lien entre un plancher et un mur). Cette technique permet par ailleurs une excellente étanchéité du bâtiment (réduction de l’entrée d’air ou d’humidité vers l’intérieur d’un édifice), au-delà de la certification Novoclimat 2.0 sur l’efficacité énergétique du bâtiment au Québec.
«Cette conception est tellement simple qu’on a de la difficulté à croire qu’on puisse améliorer tant que ça l’efficacité énergétique. Toutefois, le défi est de répartir la chaleur de manière égale dans les pièces et d’éviter la surchauffe; les fenêtres jouent en ce sens un rôle primordial. Non seulement doivent-elles être performantes, leur position et leur dimension doivent aussi être optimisées pour à la fois obtenir le plus de gain solaire possible, assurer le moins de perte d’énergie possible, tout en évitant la surchauffe.»
Il existe dix maisons passives certifiées au Canada, dont huit en Colombie Britannique. La réalisation de la maison Ozalée représente une prouesse sur plusieurs plans. Au Québec, le coût de l’hydroélectricité et son impact limité sur les GES réduisent l’intérêt pour ce concept. «La norme elle-même présente un bémol dans le contexte québécois: la réduction de 90% est trop exigeante pour atteindre un seuil de rentabilité en raison du coût de l’énergie.» Ce problème est accentué par l’unité de mesure relative à la consommation du chauffage (kWh/m2), basée sur le m2 habitable, qui est favorable aux grandes superficies. «Cela entraîne des situations insensées où l’on est obligé, pour obtenir la certification, d’agrandir une maison par rapport au plan initial. C’est contraire à l’approche de la certification Leed qui prône, pour des raisons environnementales, une superficie limitée à nos besoins. Réduire la consommation du chauffage à 75% pour toute une maison, serait déjà extrêmement bien au Québec.» Enfin, l’inexistence des incitatifs financiers est une autre difficulté tout comme l’adaptation aux normes québécoises. «C’est parfois un casse-tête de trouver les matériaux performants compatibles avec les exigences du code du bâtiment du Québec.» Ce dernier exige par exemple des fenêtres certifiées Energy Star, actuellement deux fois moins performantes que des fenêtres européennes sans ce label.
«C’est en multipliant les projets exemplaires comme la maison Ozalée que nous réussirons à démontrer l’intérêt des maisons passives et surtout que c’est faisable ici au Québec.» D’ailleurs, pour pallier au manque de professionnels qualifiés au Québec, l’organisme Maison Passive Québec proposera en avril la première formation complète en français au Canada.