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Investissement responsable : un virage prometteur pour la Caisse de dépôt

Par André-Anne Cadieux | 8 mars 2007 | Leadership

Signataire des Principes pour l’investissement responsable, la Caisse de dépôt et placement du Québec a adopté une politique sur l’investissement responsable qui est entrée en vigueur le 19 janvier. Cette politique est un pas décisif de la part d’un acteur majeur de l’économie québécoise pour canaliser les actifs financiers vers des projets ayant réellement un impact positif sur la société. Bien entendu, il n’est pas question pour la Caisse de troquer la rentabilité pour la responsabilité, bien au contraire. Le principe retenu est que les pratiques irresponsables sur les plans social et environnemental sont génératrices de risques. Par conséquent, une politique d’investissement responsable est dans l’intérêt des déposants en plus de les conforter dans le respect de leurs valeurs. La Caisse s’inscrit ainsi dans l’esprit des Principes pour l’investissement responsable de l’ONU qui insistent sur l’impact financier potentiel des questions environnementales et sociales.

En matière d’intervention, la Caisse privilégie l’activisme actionnarial plutôt que des filtres à l’investissement, qui pourraient avoir pour effet de limiter la diversité du portefeuille et ainsi accroître le risque. Sans compter que le choix de filtres particuliers devrait faire l’objet d’une vaste consultation car la panoplie des valeurs qu’ils sont susceptibles de promouvoir est infinie. Par exemple, les filtres privilégiés varient de façon notable entre le Canada et les Etats-Unis. En sol canadien, ils touchent principalement et par ordre d’importance le tabac, l’armement, l’alcool et l’environnement, alors qu’en sol américain l’armement ne figure qu’en sixième position et les conditions de travail préoccupent davantage que l’environnement (SIF, 2002 ; SIO, 2003).

L’activisme actionnarial est vraisemblablement la meilleure stratégie que pouvait choisir la Caisse non seulement en tant qu’investisseur, mais aussi en regard de l’impact recherché. Combinés à leur résonance médiatique, les propositions d’actionnaires ont en effet impulsé des changements de stratégie notables en matière de responsabilité sociale chez plusieurs entreprises. Si bien que le positionnement d’un acteur aussi important que la Caisse en faveur de pratiques responsables sur le plan social et environnemental est susceptible d’avoir une influence très positive sur le positionnement stratégique des entreprises québécoises en matière de développement durable. Cette influence dépendra par ailleurs de la manière dont sera appliquée la politique de la Caisse. À cet égard, on peut se demander quelle forme prendra l’encouragement à « la divulgation d’informations sur les pratiques des entreprises en matière environnementale » et la sensibilisation que les gestionnaires de la Caisse devrait faire auprès des entreprises au sujet de ces rapports.

La Caisse privilégiera-t-elle un format particulier pour ces bilans ? C’est qu’il existe aujourd’hui une pluralité de pratiques qui ne sont pas toutes équivalentes pour rendre compte de la performance sociale et environnementale des entreprises et ainsi d’illustrer leur contribution au développement durable. Or, on peut se demander si la Caisse encouragera l’utilisation des indicateurs privilégiés par le Global Reporting Initiative (GRI), de même qu’une structure donnée pour les rapports dans leur ensemble, proposant de ce fait une véritable norme en la matière pour le Québec. Compte tenu de son rôle central dans l’économie du Québec, de son influence indéniable auprès des entreprises québécoises, et de l’important levier d’intervention dont elle s’est dotée avec sa politique sur les investissements responsables, toute norme même informelle en matière de bilan social ou de rapport de développement durable devra être élaborée avec soin, en collaboration avec les principaux intéressés et en regard des recherches et des analyses les plus récentes sur le sujet.

De façon générale, il faut saluer l’initiative prise par la Caisse en adhérant aux principes pour l’investissement responsable (PRI) de l’ONU et en adoptant sa politique sur l’ISR. Exhaustive et bien structurée, on aurait pu souhaiter néanmoins que cette politique choisisse une meilleure définition de la responsabilité sociale que celle du Conference Board qu’elle a retenue. En la réduisant à « l’ensemble des relations que l’entreprise entretient avec toutes ses parties prenantes : les clients, les employés, la communauté, les actionnaires, les gouvernements, les fournisseurs et les concurrents« , la Caisse semble adhérer à une définition procédurale de la responsabilité sociale. Or, les engagements qu’elle prend en matière de droits humains, de droit du travail et de protection de l’environnement tout comme la référence explicite aux principes de l’Organisation internationale du travail, vont bien au delà d’une telle définition pour fixer un contenu substantif en matière de responsabilité sociale.

Si on doit la définir de façon plus conceptuelle, la responsabilité sociale réfère au caractère positif de la contribution qu’a l’entreprise vis-à-vis la société, en tenant compte tant des externalités sociales et environnementales que de l’équité sociale. Le dialogue avec les parties prenantes n’est qu’un moyen pour gérer et minimiser ces externalités en vue de contribuer de façon plus notable à un développement durable. Par ailleurs, on peut regretter l’utilisation de l’expression « développement économique durable » dans le préambule de la politique de la Caisse qui, tout en suscitant la confusion autour du concept de développement durable, tend à la vider de son sens en insistant sur son pôle économique.

Peut-être la Caisse pourra-t-elle revoir ces éléments et véhiculer ainsi, à travers sa politique d’avant-garde, des définitions justes et légitimes de concepts qui sont trop souvent galvaudés. 

Corinne Gendron est titulaire de la Chaire de responsabilité sociale et de développement durable de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM (ESG UQAM).


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