Alcoa : le développement durable est une évolution continue
Jean-Pierre Gilardeau, président d’Alcoa Canada, nous explique comment son entreprise aborde ses défis environnementaux et sociaux. À quelques semaines du Colloque sur les applications du développement durable, dont il sera le président d’honneur, Novae l’a rencontré au siège social de l’entreprise, place Ville-Marie, à Montréal.
Quelle est votre vision du développement durable ?
Si le développement durable semble prendre actuellement une ampleur nouvelle, on ne peut pas dire qu’il s’agisse pour autant d’un virage à 180 degrés. En tout cas, pour Alcoa, il s’agit davantage d’une évolution continue.
L’entreprise a commencé par amorcer un virage Santé-Sécurité il y a une vingtaine d’années : Alcoa Canada est aujourd’hui une entreprise de plus de 4000 employés et il n’y a eu aucun accident depuis un an et demi. Pourtant à une certaine époque, dans cette industrie, il n’était pas inhabituel de voir de temps à autre un employé sortir en ambulance, avec un bras cassé ou une brûlure importante. Cette étape a été franchie.
Par la suite, il y a eu le virage environnemental, au cours duquel nous nous sommes donnés des cibles de plus en plus ambitieuses. On a muri, on a compris que l’environnement est devenu un enjeu important. Y compris dans nos technologies : on ne construit plus une aluminerie comme on le faisait il y a encore dix ans. Par exemple, aujourd’hui il n’y a plus aucun rejet d’eau industriel, nous fonctionnons en boucle fermée, l’eau est traitée.
Nous savons en outre que notre industrie est énergivore, c’est pourquoi nous investissons continuellement dans les technologies. Nous sommes convaincus qu’il y a des révolutions technologiques à atteindre. Nos procédés industriels demeurent fondamentalement les mêmes depuis cent ans : l’aluminium se fait toujours par l’électrolyse. Or il est possible de faire autrement ; c’est ce sur quoi nous travaillons au niveau Recherches et développement.
C’est peut-être sur le plan social que le cheminement a été le plus difficile. La Fondation Alcoa existe depuis une cinquantaine d’années, mais il s’agissait d’abord d’activités parallèles, peu intégrées à la vision de l’entreprise. Le volet social est aujourd’hui un enjeu prioritaire. Nous avons par exemple créé en avril 2006 un comité consultatif sur le développement durable : les communautés, nos fournisseurs, les syndicats, notre banque y participent. Ensemble, ils agissent comme notre miroir : ils nous aident dans nos actions sociales, ils nous font des suggestions, etc. Nous évoluons beaucoup dans ce domaine actuellement.
Comment se concrétisent vos engagements en matière de développement durable ?
Nos principaux objectifs environnementaux concernent les gaz à effet de serre, les fluorures et les hydrocarbures. Alcoa a d’ailleurs été l’une des premières entreprises au Québec à signer en 2002 une entente volontaire du gouvernement provincial en vue de réduire les gaz à effet de serre. Nous avions atteint notre premier objectif de réduire de 200 000 tonnes nos émissions ; nous avons renouvelé cette entente afin de poursuivre nos efforts de réduction.
Aux États-Unis, notre président a pris position au sein de l’US Cap pour la législation à l’égard des gaz à effet de serre [ndlr : Alcan vient à son tour de rejoindre cette coalition ; lire l’article].
Nous nous sommes également donnés des cibles de réduction pour les fluorures et les hydrocarbures. Nous souhaitons aussi diminuer notre consommation d’eau de 50% d’ici à 2010, et de 50% la quantité de nos résidus enfouis en 2007, par rapport à 2000.
D’autre part, nous menons des programmes de sensibilisation à l’attention de nos employés. Nous cherchons à les faire s’interroger sur les gestes qu’ils peuvent poser, tant dans le cadre de leurs activités au sein de l’entreprise que dans leur quotidien. Peu à peu, chacun modifie ses comportements — moi inclus.
Le virage que prennent actuellement les entreprises, tant sur le plan environnemental que sociétal, semble drastique. On a le sentiment d’assister à une prise de conscience soudaine…
Peut-être y a-t-il effectivement des entreprises moins au fait de ces sujets. Certaines finiront peut-être par en pâtir. Mais la plupart commencent à prendre ce tournant : elles comprennent qu’elles doivent agir si elles veulent survivre.
En ce qui nous concerne, nous savons depuis longtemps qu’on ne peut pas faire fonctionner une usine sans l’approbation de sa communauté ; nous avons absolument besoin d’un « permis », qui n’est pas donné par le ministère de l’Environnement : si un jour votre communauté ne veut plus de votre entreprise, elle finira par trouver un moyen de vous faire partir.
Nous pensons aussi que notre produit peut faire partie de la solution : produire de l’aluminium est un procédé énergivore, mais son recyclage, qui peut être infini, l’est très peu. Environ 70% de tout l’aluminium qui a été produit dans le monde depuis le début de cette industrie — il y a plus d’un siècle – est encore en circulation. Et on s’efforce de recycler encore davantage. Nous savons que nous devons nous améliorer dans certains domaines, mais nous pensons aussi qu’à long terme nous faisons partie de la solution.
Quelle est votre position par rapport à l’implantation d’une bourse du carbone au Canada ?
On ne peut pas être en désaccord avec cet outil qui va permettre de réduire le CO2 là où ce sera le plus aisé de le faire, et donc d’obtenir des résultats plus rapidement. J’ai toutefois le sentiment que l’enjeu se situera au niveau des réglementations, que cela prendra encore du temps. C’est d’ailleurs pour ça que notre président a pris position aux États-Unis : il faut davantage de réglementation, avec ou sans bourse. Il faut imposer des contraintes.
La bourse sera un outil intéressant, mais il ne s’agira pas d’une solution miracle. Pour Alcoa, cela ne représentera d’ailleurs pas un changement majeur : il faut réduire, que ce soit de façon volontaire ou non.
Comment percevez-vous les rôles respectifs du gouvernement, des entreprises et des citoyens en vue d’accélérer l’adoption de pratiques durables ?
Il demeure un besoin important en matière d’éducation de la population : nous avons progressé considérablement en termes de sensibilisation, mais cela ne s’est pas encore suffisamment concrétisé dans nos choix personnels et notre consommation.
Prenons l’exemple de l’automobile : la publicité souligne encore la grosseur du moteur, la puissance, l’accélération, etc. C’est encore de cette façon que l’on vend des voitures aujourd’hui. Or, tant que l’on utilise de tels arguments et que les consommateurs y demeurent sensibles, il va être difficile de progresser. Les manufacturiers con
tinueront de vendre des autos avec de gros moteurs, et le gouvernement aura de la difficulté à légiférer. Il y a un véritable travail de fond à effectuer avec la population. Ces enjeux doivent devenir une priorité, il est nécessaire d’en débattre et de faire des choix de société. Et pour y parvenir, le gouvernement doit jouer un rôle de leader.
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