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Les marques peuvent-elles devenir des agents de changement ?

Par Marie Allimann | 19 février 2016 | Chronique

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Au cœur de Montréal, les magasins de la marque Lush affichent en vitrine une pancarte portant sur fond de roses la salutation « Ahlan wa Sahlan » associée au mot-dièse #BienvenueAuxRéfugiés. Voici l’exemple d’une marque qui, sur une cause sans lien avec son domaine d’activité, s’engage et exprime ainsi des valeurs qui sont au delà de sa seule activité commerciale. Est-ce son rôle ?  Est-ce même légitime ?
Historiquement, si l’on remonte à ses origines, la marque commerciale est née de l’indistinction de la nature de la plupart des choses vendues, non de leurs différences. Si un propriétaire marque mon bétail d’un signe unique, c’est parce que ses bêtes sont en tout identiques à celles d’autres éleveurs. Sur ce signe distinctif, progressivement, du fait de ses pratiques commerciales ou d’élevage par exemple, ont pu s’ajouter à cette première marque d’identification d’autres éléments. En un mot, une réputation s’est petit à petit construite, parfois de génération en génération. Longtemps, une marque n’a guère été plus que ceci. Les efforts de séduction n’étaient pas absents mais ils demeuraient alors bien pudiques face à nos façons de faire contemporaines. Et ceci, même après la révolution industrielle et l’apparition progressive d’un marché de masse.
 

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Campagne de Lush pour souhaiter la bienvenue aux réfugiés syriens.


 
En Europe comme en Amérique, dès le lendemain de la première guerre mondiale, la marque commerciale a commencé à envahir nos paysages. La marque s’est faite belle, sur les produits eux-mêmes ou sur des affiches, un graphisme particulier, en prise avec la culture du temps, s’est imposé. Les premiers slogans, aguicheurs et facilement mémorisables, se sont multipliés. C’est toutefois dans les années 50, que l’entreprise marketing a déployé toute sa puissance pour, de façon systématique et concertée, produire la première brique nécessaire à la construction d’une société de consommation en construction : c’est à dire une consommatrice ou un consommateur ! De la même façon qu’il y a eu un complexe militaro-industriel, il y a également eu un complexe publicito-industriel, peu importe le domaine, que ce soit pour l’automobile, les cosmétiques ou les céréales du déjeuner, on a fabriqué ces consommateurs. Dans ce dispositif, la marque a tenu un rôle essentiel, avec de fortes résonances sociales et culturelles. Elle n’était pourtant souvent pas plus qu’un discours enveloppant nos produits ou services, un simple masque commercial. Un masque a deux fonctions : celui de dissimuler votre réelle nature et de vous donner une apparence choisie. C’est ainsi que la machine marketing a produit les marques qui nous entourent encore aujourd’hui.
Je le rappelais dans ma précédente chronique, une transparence de plus en plus grande est sans doute devenue l’une des réalités parmi les plus remarquables de notre époque. Bien sûr, dans ce contexte, un masque transparent n’a guère d’utilité ni même de sens, ne pouvant plus remplir sa double fonction de dissimulation et d’apparence … Il disparaît et, désormais, comme chaque entreprise est devenue son propre média, chaque action de celle-ci contribue à produire son image, sa réputation, en définitive, sa marque. Tout ceci face ou avec des consommateurs qui ont retrouvé une capacité de parole qui s’accompagne aussi d’une possibilité d’action ou d’influence bien réelle. Les conséquences de cette nouvelle réalité pour les entreprises sont majeures et de la capacité d’adaptation des marques commerciales à celle-ci dépend en grande partie leur avenir. Volkswagen, après bien d’autres, l’a récemment appris à ses dépens.
 
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Détournement d’une publicité Volkswagen à Paris en marge de la COP21.


 
Pour des marques encore trop souvent gérées selon les canons de l’ère marketing, une ère qui touche à sa fin, l’enjeu est de taille. En matière de développement durable ou de responsabilité sociale, si les marques commerciales veulent devenir de véritables acteurs de changement, plutôt que de subir de plein fouet celui-ci, ce n’est pas juste de nouvelles stratégies dont elles ont besoin. Face à un monde si changeant, ces stratégies ne paraissent bien souvent n’être plus en fait que des artifices commodes afin de parer au plus pressé. C’est d’une nouvelle tête dont il va falloir nous doter pour, dans un cadre pleinement collaboratif, ouvert et de façon créative, réinventer des marques qui puissent légitimement apparaître comme des acteurs de changement positifs, notamment en matière de développement durable.
Lush est-elle dans son rôle ?  Sans doute et de façon légitime tant que son engagement est significatif, honnête et constant. Les marques qui nous importent encore ne sont-elles pas après tout d’abord les marques qui savent nous inspirer, souvent en nous posant une question ? C’est le cas de Uber, Airbnb, mais aussi de Virgin, Google, Toms, Tesla … Lufa, Liberté ou Cascades ! En exprimant leur point de vue, elles engagent un dialogue qui, s’il est partagé et ouvert, et malgré toutes ses imperfections, constitue certainement un pas nécessaire afin de tirer, ensemble, le meilleur parti des bouleversements que connaît notre monde.


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