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Être payé à être heureux

Par La Rédaction | 20 avril 2020 | Chronique

Le chômage frappe de plein fouet nos sociétés. Et si nous en profitions pour nous interroger sur ce que nous procure réellement notre travail?


Par Mickaël Carlier, président, Novae


Quand je rencontre ou croise quelqu’un, il m’arrive de me demander si cette personne est heureuse dans son travail. Je me suis moi-même posé la question des centaines de fois, lorsque j’étais employé, mais aussi depuis que je suis mon propre patron. Avec la question qui tue: si je n’avais pas besoin d’argent, d’un salaire, est-ce que j’occuperais cet emploi? Est-ce dans ce lieu, avec ces collègues, dans ce contexte que je passerais 7, 8, 10 heures de mes journées, cinq fois par semaine? Je suis sûr que vous vous êtes déjà posé cette question vous aussi. Et je suis également convaincu que bon nombre d’humains se la posent – ou aimeraient avoir le loisir de se la poser.

Avec la crise du Covid-19, ce sont déjà plus de un million de Canadiens qui ont perdu leur emploi. De ce nombre, combien sincèrement regrettent cette perte d’emploi? Mon intuition me chuchote qu’une part non négligeable de ces nouveaux chômeurs regrettent surtout la perte de revenu lié à l’emploi, pas l’emploi lui-même.

La question d’un revenu universel refait les manchettes ces derniers temps (même le Financial Times l’évoque!). Urgence oblige: il faut bien soutenir les familles qui doivent payer les factures et mettre de la nourriture sur la table alors qu’elles n’ont à peu près plus de revenus du jour au lendemain.


«Ce ne sont pas les emplois
qu’il faut protéger, mais les gens.
»


Dès que la crise sanitaire sera relativement derrière nous, on se précipitera à stimuler notre économie aux stéroïdes. D’autres millions$ pleuvront comme jamais. Le maître-mot sera: relançons l’économie, créons des emplois! Ce sera le prétexte pour investir dans tout et (peut-être) n’importe quoi, pourvu qu’on crée des jobs (des discours populistes ne manqueront pas de se faire entendre).

J’ai lu cette phrase : «Ce ne sont pas les emplois qu’il faut protéger, mais les gens.» Cette phrase, c’est de l’économiste franco-américaine Esther Duflo. La nuance qu’elle suggère ici est colossale. Par exemple, enfermer 200 personnes dans un centre d’appels en arguant qu’«on crée de l’emploi en région» ne s’appelle pas prendre soin des gens. Inventer des bébelles et créer des besoins qui seront comblés par de nouvelles entreprises inutiles – mais qui créent des emplois – ne signifie pas prendre soin des gens. L’économie – et encore moins le capitalisme – n’est pas l’unique réponse à notre équilibre social. Elle n’est certainement pas la réponse à notre bonheur.

Il est beaucoup question des entreprises et emplois essentiels depuis le début du confinement. Or, dans le sillage des concepts de revenu universel vient notamment l’idée que, délesté de la pression de gagner sa vie dans des fonctions non utiles à la société, chacun peut exprimer au mieux ses talents, ses aptitudes, notamment à travers une dynamique d’entraide et de cohésion. Qu’en outre c’est à travers notre véritable réalisation personnelle – osons ici utiliser le mot bonheur – que l’on est le plus bénéfique à la communauté.

Et si l’on veut désinvestir notre «force de travail» (beurk) de ces innombrables taches inutiles, superficielles, alliénantes dont est aujourd’hui grandement constitué notre système économique, il faut regarder droit dans les yeux ces fonctions, et accepter de les supprimer. Nos énergies collectives pourront alors être allouées à ce qui est réellement nécessaire à notre bon fonctionnement.

Le «dépouillement» relatif auquel nous confronte notre confinement doit nous faire revenir à l’essentiel, lit-on partout depuis des semaines. Cet essentiel, quel est-il? L’après Covid sera différent, lit-on aussi. Je le souhaite ardemment. Différent en quoi, personne ne le sait vraiment. Mais posons-nous au moins la question à notre échelle individuelle. Vous, votre bonheur, par quoi passe-t-il ? Ce fameux «bonheur au travail», à quoi ressemble-t-il, à quoi ressemblera-t-il demain?

Une amie m’a dit cette phrase il y a quelques semaines. Après huit ans dans une grande entreprise, dans le domaine de la finance, et près d’une année de «transition», elle venait de commencer un nouvel emploi dans une startup à forte mission sociétale. Cette phrase que mon amie m’a dite est : «C’est la première fois que j’ai le sentiment d’être moi, d’être exactement la même personne le lundi au bureau que celle que je suis le samedi chez moi.» J’ai trouvé cela fabuleux. Elle rayonnait de bonheur.

Et vous, êtes-vous la même personne le lundi et le samedi ?


Photo de une : Caju Gomes


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