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Entreprises: évitez les pièges du "pinkwashing"

Par André-Anne Cadieux | 7 mars 2013 | Entrevue

À une semaine de sa conférence sur le "pinkwashing", Sylvain Lefèvre répond à nos questions sur ce phénomène par lequel les entreprises soutiennent la recherche contre le cancer tout en commercialisant des produits qui peuvent y contribuer.

En effet, cette relation ambigüe qu’entretiennent certaines entreprises qui soutiennent la recherche contre le cancer tout en vendant des produits dont les ingrédients sont potentiellement reliés à cette maladie, sera le sujet abordé par Sylvain Lefèvre, professeur et chercheur de la Chaire en Responsabilité sociale et du développement durable de l’UQAM, et Fiona Hanley, de l’Action Cancer du Sein de Montréal, le 14 mars prochain. Entrevue.

D’où vient ce phénomène de "pinkwashing"?
Par définition, c’est le fait pour une compagnie de soutenir la lutte contre le cancer, notamment en vendant des produits arborant le "ruban rose" dont une partie des profits est allouée à la recherche, tout en ayant des activités de transformation et de ventes de produits qui ont un lien avec la maladie. C’est donc de faire partie du problème tout en voulant contribuer à la solution.
Cette situation est liée à trois phénomènes. D’abord, la transformation de "l’action collective" des organismes. Aujourd’hui, elles ont besoin des entreprises pour lever des fonds, entrainant aussi une certaine médiatisation des causes. Ensuite, le phénomène lié au marketing des causes, c’est-à-dire l’idée d’un transfert de légitimité et de notoriété d’une marque à une cause. La philanthropie "stratégique" n’est plus une annexe des activités de l’entreprise, mais bien un investissement qui joue sur son image. Les entreprises veulent donc s’associer à des causes rassembleuses, ce qui nous amène au troisième phénomène: l’évolution des causes. D’autres maladies, aussi répandues que le cancer, sont plus difficiles à endosser car associées à de "mauvaises habitudes de vie", comme les maladies cardiovasculaires, etc. Le cancer du sein peut faire figure de "cause parfaite" puisqu’elle n’est pas liée à "des fautes individuelles" ou des mauvaises habitudes de vie, et aussi parce qu’elle est liée à toute une symbolique, de la sacralisation du corps de la femme à la maternité.

Quels sont les enjeux et les risques du pinkwashing?
Le pinkwashing est attaqué pour plusieurs raisons. D’abord, il a des impacts négatifs sur la cause elle-même. La figure héroïque qu’on associe à la survivante d’un cancer est notamment très critiquée: on véhicule le message que celles qui survivent, survivent grâce à leur combat et leurs forces personnelles; cela sous-entend que celles qui en meurent n’ont pas été assez fortes, que ce sont des perdantes.
Une autre critique porte sur le fait que les messages sont axés sur la solution médicale: trouver le bon traitement ou détecter la maladie. Très peu de financement va à la recherche pour la prévention ou pour trouver les causes environnementales (donc autres que génétiques); il faut pourtant bien se demander ce qui fait que dans les années 1940 une femme sur 22 était atteinte de cette maladie, contre une femme sur 7 ou 9 aujourd’hui, selon qu’on soit aux États-Unis ou au Canada.
Du côté des entreprises, elles doivent être cohérentes si elles ne veulent pas se faire critiquer. Citons le cas de l’entreprise pharmaceutique Astra Zénéca, qui fabrique un médicament pour le traitement du cancer et qui par ailleurs fabrique des pesticides possiblement cancérigènes pour l’humain. Le plus grand problème demeure que les entreprises sont pleines de bonnes intentions mais manquent souvent de savoir-faire en matière de philanthropie et cela peut avoir des conséquences désastreuses. Elles tendent à ne pas se poser assez de questions; le risque pour elles est d’être accusées de se servir de la cause plutôt que de la servir.
Cela engendre aussi un déséquilibre : plusieurs causes, qui sont vues comme moins sexy, moins connues, se retrouvent "orphelines"et sont laissées pour compte. Un autre risque est que les entreprises qui "abusent" de la cause discréditent les autres entreprises qui s’impliquent.

Quels conseils pouvez-vous donner aux entreprises afin qu’elles évitent ces pièges?
D’abord, faire preuve de plus de transparence. Comme on l’a vu avec l’environnement, si les entreprises disent faire des efforts mais qu’elles ont une empreinte écologique catastrophique, elles finiront par se faire critiquer. Il faut également qu’elles s’assurent d’avoir une réflexion sur leurs pratiques et leurs impacts potentiels en lien avec cette cause. En ce sens, une première étape serait de considérer les impacts sur leurs propres employés. 
Les entreprises doivent aussi développer de la curiosité par rapport à leur don: à quoi va servir l’argent donné? Elles peuvent aussi prendre le problème dans l’autre sens et demander aux acteurs du milieu en quoi elles peuvent aider; par exemple, partir des besoins des chercheurs ou des groupes de victimes. Plusieurs outils existent, dont le site de Breast Cancer Action. Nous sommes également en discussion pour offrir une formation en philanthropie à l’ESG UQAM. 

La conférence Pinkwashing : l’éthique dans les cosmétiques se tiendra le 14 mars prochain à 18h00 à la Maison du Développement durable.


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