L’écoconception est à l’origine de Couper Croiser, née de la confection de tapis sur mesure réalisés à partir de retailles vouées à l’enfouissement.

Couper Croiser a bâti sa réputation sur la créativité, "ingrédient essentiel à toute entreprise qui choisit la voie de la durabilité", explique François Palmer, designer industriel qui a fondé l’entreprise avec Jean-François Rousseau. Lorsqu’ils ont décidé de se lancer en affaires, c’était avec un même objectif: se distinguer en proposant un produit issu des principes de l’écodesign. "Nous n’avions aucune idée de la direction que l’on prendrait. Il fallait simplement trouver une occasion favorable de développer un produit à partir d’une matière sous-exploitée."  

Les deux entrepreneurs ont alors commencé à faire la tournée des centres de recyclage afin d’y glaner des idées. Ils y ont décelé un enjeu de taille: celui des rebuts industriels dans le secteur du tapis. "Chaque année, des milliers de tonnes de retailles sont jetées aux poubelles alors que le matériel est encore utilisable. Dans les centres de tri, le tapis se retrouve dans les bacs de matières non triées."

Leur motivation venait de leur propre sensibilité environnementale et aussi de l’engouement populaire pour les produits "verts". Ils n’étaient toutefois pas intéressés par le tapis postutilisation, "trop sale et souvent irrécupérable". "Une fois que nous avions identifié le tapis comme source de matière non seulement ‘détournable’, mais aussi très inspirante sur le plan de la création, nous nous sommes rapidement tournés vers les fabricants de tapis." La recherche n’a pas été facile puisque peu de fabricants de tapis sont établis dans la région de Montréal et que l’entreprise ne voulait pas s’approvisionner en retailles aux États-Unis. Mais un fabricant a fini par être trouvé: il leur a fourni des retailles à bon prix, ce qui a permis à Couper Croiser de commencer son aventure. "On estime qu’un camion de 15 mètres de long rempli de retailles sortait de l’usine de notre partenaire tous les deux jours. Ce n’était pas la matière qui manquait!"

En 2008, l’entreprise qui présente ses produits comme des "tapis adaptables à valeur ajoutée" voyait son travail reconnu et recevait le Prix Intérieurs FERDIE dans la catégorie Relève. Leurs pairs ont ainsi voulu récompenser non seulement la qualité du design de leurs produits, mais aussi l’application d’une stratégie d’écoconception tournant autour de l’utilisation de retailles. Ce prix soulignait aussi le design privilégiant le "sur mesure" et la modularité, c’est-à-dire l’agencement des pièces pour former un ensemble esthétique. L’entreprise travaille d’ailleurs sur une nouvelle génération de ses tapis modulaires afin de les assembler comme des casse-têtes. "L’avantage environnemental est que l’on remplace ou transforme les moquettes seulement aux endroits usés."

Le modulaire ajusté est aujourd’hui plus qu’un produit pour Couper Croiser. "C’est la base d’une approche qui intéresse nos partenaires : il est applicable à tout projet sur mesure." L’entreprise a en effet mis de côté la vente en magasin de tapis fait à partir de retailles après en avoir vécu pendant un an. "Les acheteurs n’ont pas tous la flexibilité nécessaire pour accepter des produits différents d’une commande à l’autre. Aujourd’hui, nos tapis conçus à partir de retailles ne sont fabriqués que sur commande." C’est donc sur la modularité que l’entreprise mise dorénavant, Couper Croiser continuant de développer de nouveaux produits en collaboration avec des architectes et des designers d’intérieurs. "Cette stratégie d’écodesign permet d’allonger la durée de vie d’un produit." En 2011, les projets commerciaux sont devenus la principale source de revenus.

"La qualité du design passe souvent outre les exigences environnementales. Or, les produits écoconçus permettent de satisfaire des consommateurs de plus en plus sensibles aux enjeux environnementaux." Cette approche a contribué à mieux positionner la compagnie et à la différencier des concurrents. Et elle fournit une âme aux opérations: économie de moyens, ingéniosité et créativité restent les mots d’ordre de l’entreprise.